Pour une vie meilleure

Pourquoi nous devrions nous ennuyer souvent ?

Oui, l’oisiveté est la mère de toutes les créations ! Et je pense pertinemment que les réalisations dont l’Homme est le plus fier ont été le fruit d’un profond ennui.  S’ennuyer, rêvasser, s’embêter, se barber, se tourner les pouces, sentir le temps passer sont des « inactivités » insoupçonnées qui peuvent révolutionner nos vies bien plus que l’on ne le pense.

Généralement, on s’accordera à dire que s’ennuyer revient à vivre un moment significatif d’oisiveté non interrompue par des activités, des obligations ou des plaisirs. Souvent, l’ennui est le résultat d’un ensemble de contraintes dans l’espace et le temps avec un choix limité d’activités possibles où on ne risque pas d’être sollicité pendant un bon bout de temps : salle d’attente chez le médecin, temps passé dans les transports, … Dans ce genre de situations, on a tendance à s’occuper pour « faire passer le temps » avant de s’embarquer dans la prochaine nacelle préparée par notre vie urbaine orchestrée.

Je regrette que ces moments de pur ennui où l’on se retrouve face à soi-même commencent à disparaître, d’abord à cause d’un mode de vie urbain structurellement interactif, cadencé et rapide, mais aussi à cause des compagnons nomades (livres et presse écrite) mais surtout d’un nouveau genre, connectés, interactifs et de plus en plus accessibles, à savoir nos chers : Smartwatch, smartphones, phablet, tablette, consoles de jeu, baladeurs…

C’est surtout en ville, un champ constamment arrosé de flux d’informations par des antennes réseaux, que l’Homme souffre le plus d’une sollicitation constante et se met lui-même à la disposition des autres pour fuir le silence. Si au début, chacun de nous peut trouver une réelle utilité à consulter son objet nomade, cette utilité est rapidement remplacée par la fuite en avant née de la consommation de contenus, de flux et d’échanges afin de ne plus se retrouver face à ce silence dans notre tête. Ce silence qui nous ressortira inévitablement nos souvenirs et nos regrets, celui qui nous met face à nous même, nous dépeint notre réalité, nos complexes et nos contraintes pour mieux exacerber nos inquiétudes et dramatiser nos décisions à prendre dans le futur.

Mais il faut très bien comprendre l’Homme, cet être qui se tue à la tâche, qui se dépense, souvent pour gagner sa vie, qui attend fidèlement ces moments où il est maître de lui même, où il réalise son quotidien dans l’assouvissement des plaisirs les plus simples tel un exutoire pour expier sa peine du jour. Reste qu’il faut trouver un certain équilibre et un bon dosage de moments d’introspection. On doit s’aménager des moments pour laisser venir à nous tous nos sentiments, nos ambitions et nos rêves. Alors qu’en maintenant un niveau d’hyperactivité dédié au quotidien et à la résolution de problème de la vie courante on prend le risque de passer à côté de nous-mêmes et de la vie que notre esprit souhaite.

Comment pouvons-nous profiter de ces moments anodins pour se révolutionner et se surprendre? Je vous avoue que se faire chier est tout un art : on doit être conscient de certains principes avant de se laisser emporter par nos idées le moment venu au lieu de les fuir en regardant la énième vidéo amusante d’un bébé chat.

L’oisiveté de grande qualité demande du temps. Personnellement, je considère qu’il y a une grande ressemblance entre une séance d’ennui fructueux et un sommeil de qualité.  Un sommeil de qualité inclut cet état de sommeil dit paradoxal qui permet de profiter des bienfaits réparateurs du sommeil. Cet état n’est atteint qu’après plusieurs stades de sommeil de profondeur progressive. L’oisiveté est ainsi faite : à partir du moment où l’on arrête toute activité, notre esprit part dans une cavalcade à la chasse d’idées et de sensations en puisant d’abord dans notre environnement proche. On remarquera les lacets défaits du petit, la toile d’araignée au plafond ou le son répétitif d’une lampe en fin de vie. Mais notre esprit ne s’arrête pas là : une fois qu’il assimile cet environnement proche, il se tourne vers notre intérieur, pour puiser dans nos envies, nos idées et nos sensations avec un processus en entonnoir du bas vers le haut en termes d’échelles de temps, d’espace et d’abstraction. L’objectif est de rester dans cet état de méditation voire de « transe » afin d’atteindre des états d’abstraction et d’assimilation supérieurs. On pensera ainsi au dîner, au programme du weekend, on se rappellera du livre qu’on doit rendre il y a de ça un mois puis… la lumière jaillit.

Ça y est, on est en plein dedans, on aura patienté, résisté à notre téléphone, à la discussion avec le voisin et bien d’autres choses pour atteindre ce « nirvana ». Dans cet état là, notre esprit est aux commandes, il nous bombarde d’idées abstraites, de souvenirs d’enfance ou de sensations plus ou moins agréables. Pour profiter de cet état, l’Homme doit s’abstraire des schémas préconçus, des préjugés, des tabous, il est seul, il doit en profiter et, usant de franchise et de délivrance, dénouer, recâbler, reprendre ses sentiments, ses ambitions et ses projets. Dans ces moments, il ne faut pas être gourmand, l’Homme devra privilégier des questions fondamentales, simples et de qualités qui le concernent et  qu’il n’a pas toujours l’occasion d’aborder dans son quotidien.

Après une séance d’ennui profond, il faut penser à concrétiser nos trouvailles, voire prendre même des notes, car le fruit de l’ennui a le caractère éphémère et imperceptible du rêve, on n’en garde que l’impression d’apaisement et de soulagement sans vraiment savoir ni comment ni pourquoi si on ne s’applique pas à fixer nos idées.

Une fois qu’on arrive à mettre en œuvre ces moments d’oisiveté, on cherchera à les reproduire. Les weekends et les vacances sont des périodes idéales à agrémenter de moments de plénitude et de méditation. En prenant cette habitude de se consacrer à soi, on se construit une aura affirmée et apaisée dans le temps.

Finalement, l’ennui reste un fait de la nature que l’Homme a réussi à détourner à tord toujours par sa maladresse de vouloir faire mieux.

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